Le phénomène des avoirs mal acquis demeure l’un des défis majeurs dans la consolidation de la gouvernance au Sénégal. Dans ce contexte, un atelier national d’information et de renforcement des capacités a été organisé à Dakar, réunissant plusieurs organisations de la société civile venues des différentes régions du pays. Objectif : améliorer la compréhension des mécanismes de recouvrement des biens détournés et renforcer le rôle des acteurs non étatiques dans cette lutte.
Au cours des échanges, M. Amacodou Diouf, président de l’Association Humanitaire pour le Développement et l’Insertion Sociale (AHDIS), a attiré l’attention des participants sur un aspect fondamental mais souvent négligé : la communication en langues nationales. Selon lui, « la majorité de la population sénégalaise, notamment dans les zones rurales, ne maîtrise pas le français. Il est donc impératif que les campagnes de sensibilisation sur les avoirs mal acquis soient traduites dans les langues locales comme le wolof, le sérère, le peul, le mandingue ou encore le diola pour toucher efficacement les citoyens. »
M. Diouf a insisté sur le fait que la lutte contre la corruption ne pouvait pas être l’affaire exclusive des élites ou des institutions, mais devait s’ancrer dans une dynamique populaire et inclusive. Il a proposé la production de supports éducatifs (affiches, émissions de radio communautaire, sketches, vidéos explicatives) dans les langues les plus parlées afin de vulgariser les concepts techniques liés au recouvrement des biens publics détournés.
Les participants à l’atelier ont salué cette approche, la considérant comme une innovation stratégique. Plusieurs représentants d’OSC ont partagé des expériences locales où l’utilisation des langues nationales a facilité la mobilisation citoyenne et la participation aux campagnes de dénonciation ou de veille communautaire.
En plus de l’aspect linguistique, l’atelier a permis de revisiter les cadres juridiques nationaux et internationaux relatifs au recouvrement des avoirs, notamment la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC) et les engagements pris par le Sénégal dans ce domaine. Des experts juridiques ont également sensibilisé les participants sur les mécanismes de coopération judiciaire internationale et les obstacles fréquemment rencontrés dans les procédures de restitution.
À travers cet atelier, il apparaît clairement que la société civile sénégalaise souhaite jouer un rôle actif dans la lutte contre les biens mal acquis, mais appelle à un meilleur accès à l’information, une implication plus forte des populations locales et un engagement des autorités à accompagner cette dynamique.
La recommandation de M. Amacodou Diouf d’institutionnaliser les langues nationales dans les campagnes de communication sur la corruption résonne donc comme un appel à bâtir une gouvernance plus participative, plus inclusive, et plus proche des réalités du terrain.
ASSANE DIOP