45 milliards envolés: Une société-écran, des retraits suspects et un courtier dans le viseur de la justice
Une transaction d’État classée « secret défense », une entreprise créée à la hâte, des millions qui disparaissent dans la nature… Le Parquet financier vient de déclencher une enquête explosive autour d’un contrat d’armement de 45,3 milliards de FCFA attribué fin 2021 par le ministère de l’Environnement à Lavie Commercial Brokers-SUARL, une société née quelques semaines plus tôt.
À première vue, le marché semblait officiel : fourniture de véhicules, de matériel de communication et de sécurité. Sauf qu’en coulisses, le montage apparaît de plus en plus douteux.
Signataire du contrat, David Benzaquen, ex-salarié d’un marchand d’armes israélien. Mais derrière lui, un nom bien connu dans les affaires d’armement en Afrique : Aboubacar Hima, alias Petit Boubé. C’est son numéro personnel qui aurait servi à enregistrer Lavie Brokers à Dakar. Déjà sous surveillance, l’homme d’affaires nigérien est au cœur du dispositif que la CENTIF (Cellule nationale de traitement des informations financières) juge aujourd’hui “hautement suspect”.
Le mécanisme est limpide et troublant à la fois : Lavie et deux autres sociétés — Eurocockpit et Technologie Service International (TSI) — ont vu transiter sur leurs comptes, ouverts dans une seule banque dakaroise, plus de 3 milliards de FCFA. Ces fonds ont rapidement été dissous dans une série de virements à l’étranger, de conversions en devises, et de retraits en espèces colossaux, allant jusqu’à 185 millions FCFA en un seul jour.
Des noms apparaissent : D.A., A. Jacques, A. Loum. Tous ont opéré des retraits massifs sans produire la moindre pièce justificative. Et Petit Boubé lui-même a encaissé plus d’un demi-milliard en chèques, prétendument pour couvrir les frais de dédouanement de conteneurs… que l’enquête ne parvient pas à localiser.
Encore plus choquant : 34 milliards de FCFA avaient été versés en avance à Lavie Brokers, alors même que l’entreprise s’était engagée à préfinancer l’opération.
Le soupçon de surfacturation, de détournement de fonds et de blanchiment plane désormais sur l’ensemble du processus. Le procureur Alioune Abdoulaye Sylla a ordonné à la DIC (Division des investigations criminelles) de retracer chaque franc, chaque mouvement bancaire, et chaque nom impliqué.
Cette affaire, encore en cours, pourrait bien devenir un cas d’école de prédation des ressources publiques, dans un pays où les appels à la transparence dans les marchés publics se font de plus en plus pressants.
Avec timisactu.net