C’est fait. La première manche est gagnée. Après la grève en octobre 2023 pour obtenir de leurs employeurs les CERFA nécessaires au dépôt de leurs dossiers, une centaine de sans-papiers décrochent des récépissés avec autorisation de travail ! Nordine, travailleur et syndicaliste chez Transdev Roissy, revient sur cette première victoire vers la régularisation.
C’était il y 4 mois. Précisément en octobre 2023. Plus de 600 travailleurs, sans-papiers, avaient déclenché une grève coordonnée dans plus d’une trentaine d’entreprises afin d’obtenir la délivrance de CERFA de la part de leurs employeurs, documents indispensables au dépôt des demandes de régularisation en préfecture.
Avant-hier, mercredi 21 février 2024, la totalité des travailleurs relevant de la préfecture du département du 93 a obtenu un récépissé avec autorisation de travail, autrement dit un document les autorisant à séjourner et travailler sur le territoire français pendant les six prochains mois, en attendant que leurs dossiers soient étudiés au fond. Mieux, dans le cadre de la grève menée, ils avaient également obtenu de leur employeur qu’il s’engage à les reprendre dans la société dès l’obtention de l’autorisation de travail et ils ont donc pu réintégrer leurs postes.
Même s’il ne s’agit pour l’instant que de régularisations précaires et que rien n’est acquis pour la suite, cette nouvelle étape victorieuse vers la régularisation montre la force d’une stratégie fondée sur l’instauration d’un rapport de force et sur une coordination importante des sans-papiers.
Grève et coordination des travailleurs sans-papiers, retour sur une méthode victorieuse
Quelle a été la stratégie pour décrocher cette première victoire ? C’est après plusieurs mois de préparation avec la CGT, qu’avait débuté, le 17 octobre dernier une grève coordonnée de plus de 600 travailleurs sans-papiers d’une trentaine d’entreprises, majoritairement intérimaires, dans les secteurs du bâtiment, la logistique, le nettoyage ou la distribution.
Nordine, travailleur chez Transdev à Roissy, syndicaliste CGT et membre de l’UL Roissy revient sur la préparation de la grève : « Ça a été un travail patient et en amont du déclenchement de la grève, de constituer avec les salariés les dossiers et de regarder qui pouvait être régularisé ou non. Il y a eu une coordination entre les Unions départementales du 75, 93, 94 et 95. L’idée était de partir tous ensemble au même moment, à la même heure, avec pour méthode l’envahissement des agences d’intérim ».
Une méthode qui a montré son efficacité : « Les employeurs ont globalement délivré les CERFA très rapidement. Au niveau de Roissy par exemple, tous les grévistes les ont obtenus le jour même. Ce qui a fait la force du mouvement c’est que lorsque des grévistes obtenaient leurs CERFA, ils allaient aider ceux qui ne les avaient pas encore, afin de renforcer la présence au sein de l’entreprise et de durcir le rapport de force. Il y a des agences qui étaient au départ occupées par une quarantaine de salariés, dans lesquelles les employeurs faisaient de la résistance, mais lorsqu’ils ont vu qu’une centaine de travailleurs venaient en renfort envahir à leur tour la société, la pression était très importante et ils finissaient par céder le CERFA. Quoi qu’il en soit, il n’y a que la grève et le rapport de force qui font plier les patrons. »
Cette coordination des travailleurs ne s’est pas arrêtée à l’obtention des CERFA, puisque la CGT a ensuite exigé un dépôt collectif des dossiers auprès des préfectures, afin d’éviter une individualisation du traitement des dossiers qui permet plus facilement aux préfectures de faire un tri arbitraire. Si la préfecture doit encore se prononcer sur le fond pour accorder des régularisations pérennes avec titres de séjour, la centaine de travailleurs qui avaient déposé leurs dossiers dans le 93 va pouvoir être provisoirement régularisée et reprendre le travail. Il s’agit donc d’une étape encourageante pour la suite.