La plume est à vous / Khilafa fondateur : Cheikh Mouhamadou Moustapha, le Khalif des temps difficiles, leadership et vision, l’exemple du chemin de fer Diourbel-Touba ( Cheikh Abdoul Ahad Mbacké Gainde Fatma)
À l’heure de la réhabilitation fort opportune du tronçon du chemin de fer Ngaabou-Touba, un hommage doit être rendu au pionnier, le khalife des temps difficiles, Cheikh Mouhamadou Moustapha Mbacké, le leader visionnaire qui continue de nous inspirer près d’un siècle après.
Le 19 juillet 1927, Cheikh Mouhamadou Moustapha succéda à Cheikh Ahmadou Bamba à la tête de la confrérie mouride. Remplacer un saint d’une telle envergure, d’une telle dimension, relevait d’une tâche herculéenne. Les
fidèles étaient déboussolés et les colonisateurs heureux, croyant enfin arriver au grand jour de leurs sombres prédictions. Ils avaient théorisé, du vivant du Cheikh, la dislocation de la communauté mouride en plusieurs
branches, car, écrivaient-ils :
« les Cheikhs rivaux ne pourront pas s’entendre et reconnaître le leadership de l’un d’eux à la mort du fondateur ».
Le nouveau Khalife, d’une quarantaine d’années, déjoua tous les pronostics. Cheikh Moustapha fit montre d’un leadership rare à l’époque. Jouissant d’une légitimité certaine due à sa formation académique et spirituelle, en
plus de son statut de fils le plus âgé, il réussit à rassembler la communauté.
Sans tarder, il s’attela aux préparatifs de la construction de la grande mosquée de Touba. Il se heurta cependant à un écueil de taille : le transport des matériaux de construction de Diourbel à Touba. Les colonisateurs firent de la réalisation de ce tronçon de 50 km une condition sine qua non. C’était sans compter avec sa détermination à exécuter la recommandation de Cheikh Ahmadou Bamba.
Leader inspirant et ingénieux, il n’eut aucun mal à mobiliser les Mourides autour de l’unique objectif qui vaille :
la construction de la grande mosquée de Touba. Mame Cheikh Ibrahima, 700 personnes, Serigne Madoumbe, 100 personnes, Serigne Amsatou Lo Ngaabou, 100 personnes, Serigne Mouhamadoul Amine, Serigne Bassirou et lui-même, 600 personnes, n’eurent aucune difficulté à fournir les 1500 travailleurs nécessaires à la mise en place du rail. Pour leur alimentation, il signa un contrat d’approvisionnement de 450 kg de riz par jour avec
Morel et Prome, sans compter les boeufs qui devaient les accompagner.
Cheikh Mouhamadou Bachir, son frère et bras droit, fit construire un abri, que l’on déplaçait au fur et à mesure de l’avancée des travaux, sur le chantier pour la supervision.
Lui-même effectuait fréquemment des visites de chantier. Pour une durée prévue de 7 ans (84 mois) dans le contrat, le chemin de fer fut édifié en 27 mois : du 11 novembre 1928 au 14 février 1931. L’ardeur au travail des fidèles était passée par là. L’inauguration se fit en grande pompe le 19 mars 1931, en présence du gouverneur général et de toute l’administration coloniale de Dakar, Rufisque et Thiès.
Cheikh Mouhamadou Moustapha les rejoignit dans le train à Diourbel, en compagnie de Cheikh Mouhamadou Bachir et d’Abdallah Ould Cheikh Sidiya, venu de Boutlimit pour la circonstance. Les autres dignitaires mourides les attendaient à la gare de Touba (Gare bu Makk).
Il est important de rappeler que pour préserver la sacralité de la ville sainte, Cheikh Moustapha avait tenu à ce que la gare soit installée hors de celle-ci.
Certains historiens estiment le coût du chemin de fer à dix millions de francs (sources élément sonore de Fall Madior, témoin oculaire et proche talibé de Cheikh Moustapha).
Faute de documents officiels, nous avons effectué des recherches qui indiquent qu’un kilomètre de rail coûtait à l’époque 150 000 F, soit 7 500 000 F pour 50 km. Tout indique à penser que la vérité se situe entre les deux. Cela
équivaut à un montant compris entre trois et quatre milliards de F CFA.
Le mérite de Serigne Modou Moustapha est d’autant plus grand que les travaux ont été effectués en pleine crise financière de 1929. Pour lui, aucun sacrifice n’était de trop pour exaucer le voeu de Cheikh Ahmadou Bamba.
En plein travaux du chemin de fer, Cheikh Moustapha avait obtenu le bail de la ville sainte le 11 août 1930 pour un coût de 5 millions (2 milliards de FCFA).
Le foncier sécurisé, le chemin de fer achevé pour le transport des matériaux de construction, Cheikh Moustapha allait pouvoir se consacrer aux travaux de la grande mosquée de Touba, débutée le 4 mars 1932, au sortir de la
grande crise économique de 1929.
Dans un contexte difficile et au prix de lourds sacrifices financiers, Cheikh Mouhamadou Moustapha Mbacké, 1er khalife général des Mourides, a fait preuve de méthode, de patience, d’abnégation et de détermination pour démarrer la construction de la grande mosquée de Touba.
Aujourd’hui, son action doit nous inspirer davantage dans un contexte d’abondance et de disponibilité des ressources (techniques, financières, humaines). Il nous appartient de faire preuve de plus de leadership et d’audace pour relever les défis qui nous assaillent.
Nous disposons de tous les leviers pour faire face. Les fidèles, déterminés et prêts, n’attendent que le signal pour aller à l’assaut des multiples fléaux qui gangrènent la ville.
C’est plus que jamais le MOMENT.
Que Dieu agrée l’oeuvre de Cheikh Mouhamadou
Moustapha et le rétribue au centuple.
Cheikh Abdoul Ahad Mbacké Gainde Fatma.