Crise du pain au Sénégal : les boulangers sonnent l’alarme et interpellent l’État sur l’effondrement du secteur
Réunis en conférence de presse ce jeudi 31 juillet 2025, les membres de l’Intersyndicale des boulangers du Sénégal (FNBS, RBS, RBS Authentique, CNBS) ont tiré la sonnette d’alarme face à une crise « sans précédent » qui secoue leur secteur. Entre dérives réglementaires, coûts insoutenables et inaction des pouvoirs publics, l’urgence d’un sursaut national est posée avec force par Mouhamadou F. Sarr, porte-parole du jour.
Dans une déclaration forte et sans concession, l’Intersyndicale de la Fédération des Boulangers du Sénégal a dénoncé les multiples dysfonctionnements qui mettent en péril un secteur essentiel à la souveraineté alimentaire et à la paix sociale du pays. Membre actif de cette plateforme syndicale, Mouhamadou F. Sarr n’a pas mâché ses mots :
« Nous ne sommes pas des mendiants, mais des acteurs économiques à part entière. Aujourd’hui, notre survie est en jeu. »
Réglementation bafouée : le décret 2277 piétiné
Le décret 2277 du 31 décembre 2019, censé réguler l’implantation et le fonctionnement des boulangeries au Sénégal, reste largement inappliqué. Les ouvertures anarchiques prolifèrent, sans autorisation formelle, ni respect des distances obligatoires entre établissements.
Des demandes d’autorisation déposées depuis 2020 n’ont jamais reçu de récépissé. Pire encore, les comités techniques régionaux censés jouer un rôle de régulation sont tout simplement inopérants. Résultat : une jungle où règnent concurrence déloyale, tracasseries administratives, contrôles arbitraires et saisies injustifiées.
Des coûts de production devenus intenables
Le secteur est étranglé par la flambée des prix : la levure est passée de 20 000 F à 31 000 F CFA en 5 ans, les équipements sont vétustes, les factures d’électricité explosent et les quotas de Diesel Oil arrivent en retard ou sont insuffisants.
« Comment peut-on continuer à produire du pain social quand la levure, les carburants et les équipements sont lourdement taxés ? », s’interroge M. Sarr.
À cela s’ajoute une fiscalité jugée incohérente et contre-productive, ainsi qu’une nouvelle taxe imposée pour l’obtention du statut d’Établissement Classé (EC).
Un prix du pain politiquement ajusté, économiquement suicidaire
La baisse du prix du pain en juin 2024 – de 175 à 150 F – combinée à celle de la farine (de 19 200 F à 15 200 F), a été un coup dur pour les boulangers.
« Les charges n’ont pas baissé, elles explosent. Ce sont nos marges qui s’effondrent. »
Face à cette réalité, l’Intersyndicale exige une révision urgente de la structure de prix, encadrée par un cabinet indépendant, dans un cadre tripartite (État – Consommateurs – Professionnels).
L’État sommé d’assumer ses responsabilités
Les boulangers appellent le Président de la République à prendre des mesures concrètes pour sauver leur métier, notamment :
L’application stricte du décret 2277
L’organisation d’un Conseil interministériel d’urgence sur la boulangerie
La suppression de la TVA sur les intrants essentiels
La subvention des équipements modernes et économes en énergie
L’instauration d’un système numérique de régulation et d’autorisation
Un appel solennel au peuple et aux autorités
Dans sa déclaration finale, M. Mouhamadou F. Sarr rappelle que les boulangers sont bien plus que de simples producteurs :
« Nous sommes les sentinelles de la stabilité alimentaire. Si rien n’est fait, c’est toute une profession, des milliers d’emplois, et la paix sociale qui sont menacés. »
Extrait de leurs demandes clés :
Fermeture des boulangeries illégales
Digitalisation des autorisations
Réunion mensuelle des comités régionaux
Suspension des nouvelles taxes
Création d’un cadre permanent de dialogue avec l’État
« Quand il n’y a pas de pain, la parole perd son goût », rappelle un proverbe sénégalais.
Aujourd’hui, ce n’est plus un adage : c’est une réalité sociale et politique à laquelle l’État doit impérativement répondre. ASSANE Diop