Après ses deux atroces nuits passées dans la ville de Dakar (1895) et le bref passage à son retour du Gabon (1902), Serigne Touba est revenu à Dakar en 1920 sur invitation du gouverneur général de l’époque M Martial Merlin. Ce voyage est raconté par le chercheur et éminent spécialiste de la Mouridiya Serigne Modou Khayri Diakhate ( fils de Serigne Amsatou Diakhate)
Serigne Touba quitta Diourbel le 04 mars 1920 en compagnie de Mame Cheikh Anta, Serigne Balla Thioro, Serigne Massamba (frères) et Serigne Modou Moustapha (fils aîné). Certainement, peut être, il y avait d’autres gens, mais ce qui est sûr ces quatre personnes etaient du voyage. Celui-ci n’etait pas connu par le public. En partant, ils étaient obligés d’être discrets afin que les gens ne puissent y voir une convocation pour une éventuelle déportation.
Arrivés, ils ont été accueillis à la gare par Doudou Seck Bou El Mogdad et Jean Thiam ainsi que d’autres. Doudou Seck Bou El Mogdad etait celui qui avait assuré le rôle d’interprète en 1895 entre Serigne Touba et les autorités coloniales. Le gouverneur Merlin a fait appel à lui parce qu’il connaissait bien Serigne Touba. Quant à Jean Thiam, il etait un chef cuisinier sénégalais qui possedait aussi un hotel à Dakar. D’habitude, lorsque le gouverneur avait des invités sénégalais, c’est lui qui s’occupait d’eux. Ces invités logeaient le temps de leur séjour dans sa maison. Durant son bref séjour, Serigne Touba logeait dans sa maison.
Pendant les préparatifs de l’audience, le gouverneur général M Merlin avait demandé à Doudou Seck Bou El Mogdad ce qu’il doit faire ou le comportement qu’il doit avoir. Ce dernier lui a repondu ceci : si tu veux faire la paix avec lui, il y aura des choses que tu dois absolument éviter et d’autres que tu dois faire obligatoirement. Le gouverneur général lui demande : que sont-elles ? Doudou Seck Bou El Mogdad lui répond :
Premièrement, n’essaie jamais de le convoquer aux heures de prières. Si tu le fais, il ne viendra jamais. A ces heures, il est plus préoccupé par la prière que par autre chose.
Deuxièmement, n’essaie jamais de l’appeler dans un lieu où il y a des femmes ou bien que ta femme essaie de lui tendre la main. S’il voit une femme sur le lieu, il retournera sur ses pas.
Troisièmement, si tu parles avec lui, sois bref, concis et parle lui quelque chose d’utile. Si tu parles longuement sans aucune utilité, il va te quitter, car pour lui, c’est une perte de temps. En plus de cela, surtout ne lui parle pas de choses mondaines. Si tu le fais, nul doute qu’il va se lever et te laisser là-bas.
Lorsque Serigne Touba s’est présente devant le gouverneur, ce dernier a commencé son discours. Peu de temps, Serigne Touba lui dit : je voudrai que tu me dises l’objet de cette audience. Alors, le gouverneur général lui répond : je voudrai te dire que nous avons eu tort de t’avoir déporté en 1895. Je porte l’entière responsabilité, car en 1895 j’ai signé l’ordonnance qui a validé ta déportation au Gabon. C’est par la suite que j’ai su que tu n’avais rien fait.
Maintenant nous savons la vérité. C’est juste des personnes qui nous avaient induits en erreur. Mais en vérité, nous savons maintenant que tu n’a jamais eu les intentions que certains te prêtaient. Ce n’étaient que rumeurs et inventions qui nous avaient poussé à te déporter. Nous savons que tu n’aimes pas ce que nous aimons et nous vice versa. C’est pourquoi à partir d’aujourd’hui nous voudrions faire la paix avec toi. Alors, si tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux nous en informer. Si tu veux, tu pourras désigner quelqu’un qui sera l’intermédiaire entre toi et nous. Dès qu’il a fini de parler, Serigne Touba lui répond : s’agissant d’un intermédiaire, si vous voyez quelqu’un d’entre ces trois , vous pouvez lui transmettre vos messages, il me le dira. Quant à mes besoins, j’avais dit à Mon Créateur que je n’adresserai qu’à Lui. Sa protection, Son secours et Son assistance me suffisent. C’est sur cette phrase que Serigne Touba lui a dit au revoir et il est retourné chez Jean Thiam pour y rester un moment avant de repartir à Diourbel.
( Source en wolof Serigne Modou Khayri Diakhate, traduction M Moustapha Diop)
Leave a Reply